E26.3 – Rencontre avec la samaritaine / Bible Nouveau-Testament

La Samaritaine

Jésus et la Samaritaine, Gertrude Crête, SASV, encres acryliques sur papier, 2000
(photo © SEBQ) 

Jn 4,4-30

5 Jésus arrive donc à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. 6 Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi.

7 Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit :

« Donne-moi à boire. »

8 – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions.

9 La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains.

10 Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. »

11 Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? 12 Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? »

13 Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »

15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »

16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. »

17 La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : 18 des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. »

19 La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !

20 Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »

21 Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. 22 Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.

23 Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père.

24 Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »

25 La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. »

26 Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »

27 À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? » 28 La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens :

29 « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »

30 Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers lui.

Vocabulaire :

 

Questions :

 

Commentaire :

L’évangile de la Samaritaine est admirablement construit, il nous conduit

de la non-foi à la foi.

Ce récit est un modèle de catéchèse, c’est-à-dire une pédagogie de la foi.

Le point culminant étant la profession de foi finale : « Nous croyons maintenant et nous savons que que Jésus est le Sauveur du monde ».

Jésus se présente aux catéchumènes comme étant source d’eau vive. A eux de venir y boire, y puiser la vie, se désaltérer de la vie éternelle.

Ce texte nous raconte tout d’abord une rencontre improbable !

Un homme, un juif, à l’heure la plus chaude du jour, qui s’adresse à une femme de mauvaise réputation, et cela en terre de Samarie. Les Juifs détestaient les Samaritains qui étaient pour eux un peuple hérétique, impur car ils ne fréquentaient pas le temple de Jérusalem, mais celui du Mt Garizim.

Avec son extraordinaire liberté, Jésus renverse toutes les barrières, car nul n’est trop loin pour Dieu. Toute femme, tout homme ont droit à l’eau vive de sa Parole et de son Amour.

Pour les nomades, un puits, c’est bien plus qu’un puits. C’est un lieu de rencontre (et parfois de conflits), un lieu où l’on échange, où l’étranger peut devenir ami.

Il est aussi l’endroit où les mariages se nouent (voir Isaac, Jacob ou encore Moïse).

L’eau, rare dans les collines arides de Palestine, c’est maintenant la Parole de cet homme mystérieux. Une parole qui rejoint la profondeur du puits qu’est le cœur humain.

Une parole qui met au jour la vérité d’une vie. « Il m’a dit tout ce que j’ai fait, venez l’écouter ».

Une parole plus nécessaire encore qu’une source au milieu du désert, qu’une oasis dans la steppe. Une parole définitive aussi. La Samaritaine peut laisser là sa cruche, les mots de Dieu ont désormais et à tout jamais comblé sa soif.

Jésus fait entrevoir l’adoration du Père en esprit et en vérité, bien au-delà des querelles de peuples et de religions. Ce ne sera, ni à Jérusalem, ni sur le mont Garizim, ce sera chaque fois où, du fond du cœur, des hommes qui se tourneront vers Dieu.

Aujourd’hui comme hier, Jésus fait jaillir l’eau vive de sa Parole en pleine

Sur la croix du vendredi saint, l’une des dernières paroles du Christ sera sa première parole à la Samaritaine : « J’ai soif ». Une manière de nous rappeler qu’il nous faut toujours puiser aux sources de notre baptême.

Cette femme fait partie du peuple samaritain et se retrouve isolée par son statut marital ambigu. Ainsi elle est une femme jugée par avance. L’indice de ce malaise correspond au fait qu’elle puise de l’eau à midi. À cette période de la journée, personne n’ose s’aventurer, tant la chaleur apparaît accablante. Cette femme évite ainsi les regards embarrassés et les jugements sans appel. De même Jésus, que pouvait-il bien faire sur une place publique à midi ?
La rencontre se passe au bord du puits de Jacob, qui évoque une légende selon laquelle l’eau aurait jailli d’elle-même, comme une fontaine au pied du patriarche Jacob. Un nouveau jaillissement est prophétisé par Isaïe et Ézéchiel ( Is 44,3 ; Ez 47,1-12). Cette eau vive représente pour nous l’Esprit-Saint donné à la Pentecôte et au baptême (Jn 7,37). Elle jaillit du côté transpercé du Christ (Jn 19,34).
En passant de l’eau matérielle à l’eau spirituelle : le don de Dieu, l’eau vive, source jaillissant pour la vie éternelle du croyant, le Jésus johannique, crée une brèche de vie en nommant la souffrance d’une femme rejetée : « Va, appelle ton mari et viens ici ! » (v. 16). La Samaritaine serait un personnage symbolique qui joue le rôle d’apôtre et de disciple. Elle représente les Samaritains revenus à Jésus grâce au témoignage de la communauté de Jean. Nous sommes loin de la fille facile ayant eu cinq maris… Il s’agit plutôt d’un discours symbolique : les cinq maris y rappelleraient davantage le culte aux dieux des cinq tribus étrangères constituant la Samarie et rapporté dans 2 R 17,24. Le fait qu’elle n’ait pas de mari est, donc une image, pour décrire la situation religieuse de son peuple à la recherche de son Dieu.
Reconnue comme une personne à part entière par Jésus, cette femme peut poursuivre l’entretien dans une maturation de l’expérience spirituelle. Si dans un premier temps, elle récite à Jésus ses leçons de catéchèse (vv. 19-25), elle accède, par son désir d’être pleinement reconnue à ses propres yeux, au statut de sujet comme le laisse présager le : « Je le suis, moi qui te parle » (v. 26). C’est au moment où Jésus, lui parle, comme personne ne lui avait sans doute jamais parlé, qu’elle a envie de se tenir elle aussi en ce lieu sûr où il se tient – en ce « Je suis qui je suis » de la révélation mosaïque qu’elle connaissait avec sa tête (« Je sais qu’un Messie vient ») et qui soudain devient un vis-à-vis, une réalité.
C’est ainsi que se produit le miracle de la rencontre humainement authentique : Il a suffi que Jésus vienne visiter son passé et sa vie privée actuelle. En lui parlant de l’intérieur de sa vie à elle, il a libéré en elle la parole vraie, qui ouvre les portes de ses concitoyens. Elle peut les affronter, elle n’a plus rien à cacher, elle se sent désormais en lieu sûr, porteuses des paroles de cet être intensément vivant qui, en parlant avec elle, l’a introduite « dans la vérité ».
De la rencontre, de cette parole partagée au cœur de l’authenticité de l’être, a surgi un paradoxe : la samaritaine honnie, méprisée et rejetée, devient le héraut d’une parole de vie, des êtres humains se relèvent, font croître l’amour, l’égalité et la dignité.