B17. Le discours sur la montagne : les béatitudes / Bible Nouveau-Testament
Mt 5,1 Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
2 Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
3 « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
4 Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
5 Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
7 Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
8 Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
9 Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
11 Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
12 Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
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Commentaire :
Dans l’Ancien Testament, on trouve des textes législatifs (p. ex. les dix commandements qui sont présentés, avec de menues différences, en Ex 20 et Dt 5). La conviction des croyants est que Dieu poursuit son œuvre de création par sa parole transmise à Moïse. La Loi permet de vaincre le chaos, d’organiser le monde et de rendre possible la vie sociale (cf. par exemple l’institution de l’année jubilaire en Lv 25).
Dans le Nouveau Testament, l’Évangile de Matthieu présente volontiers Jésus comme un nouveau Moïse, législateur, particulièrement dans le Sermon sur la montagne. C’est l’un des plus longs. On y repère la fameuse opposition : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… / Et moi je vous le dis… » (Mt 5,21.27.31.33.38.43). Opposition qui n’est pas abolition, mais dépassement, le Sermon sur la montagne étant la dernière actualisation de la Loi.
Cependant la différence entre ancienne et nouvelle Alliance tient moins à son contenu (une nouvelle Loi succèderait à l’ancienne) qu’au mode de relation qui apparaît : celui qui dit la Loi n’est plus la divinité invisible, altérité qu’on ne peut voir sans mourir, il a pris un visage humain et se soumet à la Loi qu’il prononce, c’est Jésus lui-même. Ainsi ce qui compte c’est la relation personnelle avec Lui, pour entrer dans la béatitude : Heureux ! Entrer dans la joie permanente de Dieu !
Jésus intériorise et radicalise la Loi, partant de la lettre pour mieux faire entendre le souffle, son esprit. C’est tout le paradoxe des « antithèses » (Mt 5,21-48) : la colère est mise en lien avec le meurtre, et l’amour du prochain est étendu à l’amour des ennemis.
La Loi est résumée par le double commandement de l’amour : Aimer Dieu de tout son être et aimer son prochain comme soi-même (nous nous savons aimés de Dieu).
Le chiffre huit renvoie à la Résurrection et à l’accomplissement, ainsi la joie des Béatitudes est le reflet et le rayonnement du Christ ressuscité et vivant !
Saint Matthieu a soigneusement construit son évangile : il a rassemblé dans le premier discours de Jésus l’essentiel de son enseignement sur la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu. Ce Sermon sur la Montagne est adressé à tous les baptisés, à tous ceux et celles qui se savent fils et filles du Père.
Le Sermon sur la montagne est la grande charte du Royaume de justice que Jésus est venu établir. D’entrée de jeu, Jésus dit : « N’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes ; je ne suis pas venu abroger, mais accomplir. Car en vérité je vous le déclare, avant que ne passent le ciel et la terre, pas uni, par un point sur l’i ne passera de la loi, que tout ne soit arrivé. » (5,17-18)
Cette sentence indique-t-elle la radicalisation de la Loi ancienne, avec une multitude d’exigences et d’interdits? Quelle est cette nouvelle justice par rapport à la Loi de l’Ancien Testament?
Effectivement, il y a radicalisation de la Torah traditionnelle. Les antithèses (5,21-48) viennent l’appuyer. À l’autorité formelle de la Loi, à ce qui en constitue la lettre, Jésus, dans l’Évangile de Matthieu, substitue la volonté absolue de Dieu (les ablutions : 15,3-6.10-19 ; le divorce : 19,4-8 ; le serment : 5,33-37 ; la vengeance : 5,38-42). En plus, il parle comme Dieu lui-même pour proclamer la volonté de Dieu. La déclaration est souveraine : « Vous avez appris qu’il a été dit : Et moi je vous dis… » (5,21.27.33) Que signifie cette réinterprétation de la Loi? Vise-t-elle à accabler l’être humain, à l’étouffer sous des exigences trop étendues et trop difficiles?
Ce serait se tromper grandement sur Dieu et sur Jésus que d’envisager ainsi le dépassement auquel il appelle. En fait, lorsqu’il dit : vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait, Jésus situe l’exigence au niveau d’une relation entre le Créateur, qui a donné sa Loi et fait connaître ses volontés, et les humains. Et ce Créateur est son Père qui l’a envoyé établir son Royaume pour le bonheur de tous. Un pareil don appelle une réponse qui est aussi un don. Le don est présence du donateur. On ne peut prendre le don sans se rendre présent à celui qui donne, sans répondre à l’amour qui s’offre et qui appelle le disciple à l’amour, à l’abandon total et à la disponibilité.
L’obéissance radicale dont il est question dans le Sermon sur la montagne prend sa source dans l’amour de Dieu et ne peut se déployer que dans l’amour illimité, notamment celui de l’ennemi (5,43-48) et celui de l’homme et de la femme en détresse (25,31-46).
La nouvelle charte est bien une loi qui appelle à l’extrême de l’amour. Comme le Christ Jésus lui-même qui a fait la volonté de son Père jusqu’au bout. Ses actes ont toujours été au rendez-vous de ses paroles. Il n’a pas été comme le faux prophète qui dit des paroles justes mais ne fait pas, donc qui ment.
Voir Cahiers Évangile n° 94 le sermon sur la montagne.