B10 – Baptême de Jésus / Bible Ancien-Testament
La grappe de raisin ramenée par les explorateurs de la terre de promesse.
Nb 13,22-25 :
23 (Les explorateurs) allèrent jusqu’à la vallée d’Eshkol où ils coupèrent un sarment et une grappe de raisin. Ils la portaient à deux au moyen d’une perche. Ils avaient aussi cueilli des grenades et des figues.
24 On appela cet endroit la vallée d’Eshkol (c’est-à-dire : la Grappe) à cause de la grappe que les fils d’Israël avaient coupée là-bas.
25 Au bout de quarante jours, ces envoyés revinrent, après avoir exploré le pays.
26 Ils allèrent trouver Moïse, Aaron et toute la communauté des fils d’Israël, à Cadès, dans le désert de Parane. Ils firent leur rapport devant eux et devant toute la communauté, et ils leur montrèrent les fruits du pays.
27 Ils firent ce récit à Moïse : « Nous sommes allés dans le pays où tu nous as envoyés. Vraiment, il ruisselle de lait et de miel, et voici ses fruits.
28 Cependant le peuple qui l’habite est puissant, ses villes sont fortifiées et très grandes. Nous y avons même vu des descendants d’Anaq.
29 Les Amalécites habitent le pays du Néguev ; les Hittites, les Jébuséens et les Amorites habitent la montagne ; les Cananéens habitent le bord de la mer et les rives du Jourdain. »
30 Caleb imposa silence au peuple qui faisait face à Moïse et il dit : « Allons-y ! Montons prendre possession de ce pays. Oui, nous nous en rendrons maîtres. »
31 Mais les autres hommes de l’expédition répliquèrent : « Nous ne pouvons pas marcher contre ce peuple, car il est plus fort que nous. »
32 Et, s’adressant aux fils d’Israël, ils se mirent à dénigrer le pays qu’ils avaient exploré : « Le pays que nous avons parcouru pour l’explorer est un pays qui dévore ceux qui veulent s’y installer. Tous les hommes que nous y avons vus sont de très haute taille.
33 Nous y avons même vu des géants, des fils d’Anaq, des descendants de géants. À côté d’eux, nous avions l’air de sauterelles, et c’est bien ainsi qu’ils nous voyaient. »
Vocabulaire :
Amalécites : (qui demeure dans une vallée). Amalek fils d’Éliphaz par sa concubine Thimna, petit-fils d’Ésaü, et fondateur d’un peuple en Canaan du sud.
Amorites : (diseur, montagnard) un des peuples de l’est de Canaan et au delà du Jourdain, que les Israélites ont dépossédés au retour d’Égypte.
Arbres : (`ets) comme les arbres de la création, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, l’arbre de vie (Gn 1-2)
Bon ou mauvais : (towb) bon comme dans le refrain du récit de la Genèse : Dieu vit que cela était bon (Gn 1) ou (ra`) mal, mauvais comme l’arbre de la connaissance du bien et du mal (ra`) Gn 2,9.17).
Cadès : (saint, consacré) une ville à l’extrême sud de Juda également ‘Kadès-Barnéa’.
Caleb : (chien) le fils pieux de Jephunné et le fidèle espion qui fit un rapport favorable sur la Terre Promise et sur l’urgence de la capturer.
Campements ou des forteresses : (machaneh) camp ou (mibtsar) forteresse
Canaan : déjà visité et habité par Abraham et ses descendants. Exprime la terre promise, selon une géographie théologique.
Cananéens : (marchand, terre basse)
Désert de Cine : (palmier nain) nom donné à la portion de désert entre la Mer Morte et Araba et où se trouvait Kadès-Barnéa.
Dévore : (akal) même verbe que dans la Genèse : Tu pourras [akal] manger [akal] de tous les arbres du jardin (Gn 2,6).
Explorer : (tuwr) premières occurrences dans le livre des Nombres, en lien avec l’exploration de la terre promise.
Figues : (te’en) les feuilles du figuier servent à Adam et Eve à couvrir leur nudité (Gn 3,7).
Fils d’Israël : voir plus haut p.
Forte ou faible : (chazaq) fort ou (rapheh) première occurrence de ce mot
Fruits du pays : (periy) les mêmes fruits que dans le jardin d’Eden (Gn 1-2).
Géants : (nephiyl) seule occurrence avec Gn 6,4.
Grasse ou maigre : (shamen) mot rare : gras ou (razeh) mot seulement deux fois (ici et Ez 34,20).
Grenades : (rimmown)
Hébron : (association, union, ligue, amitié) ville du sud de Juda, à environ 30 km au sud de Jérusalem et 30 km au nord de Beer-Schéba et proche du lieu où Abraham construisit un autel.
Hittites : (descendant de Heth) nation qui descend de Heth, le deuxième fils de Canaan : autrefois habitants de l’Anatolie centrale (Turquie) puis du nord Liban.
Jébuséens : (descendant de Jebus ; Jebus = « foulé aux pieds », « lieu du battage ») descendants du troisième fils de Canaan qui vivaient dans la région de Jebus, l’ancien nom de Jérusalem.
Jourdain : (celui qui descend) le fleuve de Palestine qui prend sa source près du Liban et se jette dans la Mer Morte; sa longueur est d’environ 320 km.
La vallée d’Eshkol : (grappe (de raisins) un lieu d’Hébron, la vallée d’Eshkol.
Néguev : (negeb = midi) vient d’une racine signifiant desséché. L’Ancien Testament situe la tradition des Patriarches dans le désert du Néguev, précisément aux alentours de Beer Sheva. Abraham parcourt alors toute la terre promise, de Sichem à Béthel jusqu’au Néguev, où il planta ses tentes (Gn 12,9).
Nombreuse ou pas : (me`at) petit en nombre ou (rab) grand nombre
Parane : (lieu de cavernes) : aire désertique bordée au nord par la Palestine, à l’ouest par le désert d’Etham, au sud par le désert du Sinaï, et à l’est par la vallée d’Araba; l’exode est passé à travers cette région et probablement 18 campements y ont eu lieu.
Plus fort que nous : (chazaq) exprime le plus souvent la main forte de Dieu qui intervient en faveur du peuple (cf. Ex 13,9 ; 19,16 ; 32,11). Ici au contraire c’est l’adversaire qui est fort.
Quarante jours : voir plus haut p.
Ruisselle de lait et de miel : (zuwb) coule (chalab) le lait et (debash) le miel. Même expression en : Ex 3,8.17 ; 13,5 ; 33,3 signifiant la terre promise.
Sarment : (zemowrah) première occurrence sur cinq.
Questions :
1° Quels sont tous les renseignements que Moïse veut vérifier en envoyant des éclaireurs dans la terre promise ?
2° Quel est le signe principal que cette terre est providentielle ?
3° Quelle est la double réaction du peuple ? Pourquoi ?
4° Quelle est ta terre promise, un lieu où tu te sens particulièrement bien et en communion avec Dieu ? Pourquoi ?
5° Comment ruisselle le lait et le miel pour toi en ce lieu ?
Commentaire :
Les éclaireurs envoyés Moïse pour explorer la terre promise et découvrir comment l’occuper, reviennent avec une grappe de raisin, signifiant l’abondance et la joie de ce pays. Cette grappe renvoie aussi à la vigne et au vin, qui dans la Bible est un thème récurrent depuis l’ivresse de Noé (Gn 6-11), le chant de la vigne (Is 5,1ss) ou Israël est comparée à une vigne, appelée à porter du bon raisin, jusqu’à la comparaison de Jésus (Jn 15,1ss) se présente comme la véritable vigne et le Père le vigneron.
Pour les Pères de l’Église, cette scène évoque le résumé de l’histoire du salut. Les deux porteurs symbolisent les deux Testaments qui tiennent sur le bois le Christ, la vigne. Celui qui ouvre la marche ne voit pas la grappe ni celui qui suit. Le deuxième porteur, symbole du Nouveau Testament, voit le Christ-vigne et l’Ancien Testament qui ouvre la marche. Cf. Hippolyte, De antichristo II, PG 10,737A.
La traversée du peuple à pied sec et l’engloutissement de Pharaon
Ex 14,21-31 :
21 Moïse étendit le bras sur la mer. Le Seigneur chassa la mer toute la nuit par un fort vent d’est ; il mit la mer à sec, et les eaux se fendirent.
22 Les fils d’Israël entrèrent au milieu de la mer à pied sec, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche.
23 Les Égyptiens les poursuivirent ; tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses guerriers entrèrent derrière eux jusqu’au milieu de la mer.
24 Aux dernières heures de la nuit, le Seigneur observa, depuis la colonne de feu et de nuée, l’armée des Égyptiens, et il la frappa de panique.
25 Il faussa les roues de leurs chars, et ils eurent beaucoup de peine à les conduire. Les Égyptiens s’écrièrent : « Fuyons devant Israël, car c’est le Seigneur qui combat pour eux contre nous ! »
26 Le Seigneur dit à Moïse : « Étends le bras sur la mer : que les eaux reviennent sur les Égyptiens, leurs chars et leurs guerriers ! »
27 Moïse étendit le bras sur la mer. Au point du jour, la mer reprit sa place ; dans leur fuite, les Égyptiens s’y heurtèrent, et le Seigneur les précipita au milieu de la mer.
28 Les eaux refluèrent et recouvrirent les chars et les guerriers, toute l’armée de Pharaon qui était entrée dans la mer à la poursuite d’Israël. Il n’en resta pas un seul.
29 Mais les fils d’Israël avaient marché à pied sec au milieu de la mer, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche.
30 Ce jour-là, le Seigneur sauva Israël de la main de l’Égypte, et Israël vit les Égyptiens morts sur le bord de la mer.
31 Israël vit avec quelle main puissante le Seigneur avait agi contre l’Égypte. Le peuple craignit le Seigneur, il mit sa foi dans le Seigneur et dans son serviteur Moïse.
Vocabulaire :
Ange de Dieu : voir plus haut p.
Au bord / face à la mer : les hébreux se trouvent face à la mer, voir la carte ci-dessous.
Carte de la sortie d’Égypte du peuple hébreu [1]
Avoir rien à faire : Moïse promet que Dieu fait tout, que le peuple n’aura pas à combattre.
Combat pour vous – le Seigneur : c’est Dieu qui combat les égyptiens, le peuple n’a rien à faire.
Craindre le Seigneur : voir plus haut p.
Désert refermé sur eux : même verbe lorsque Dieu referme le côté d’Adam après la naissance d’Eve (Gn 2,21) ou lorsque Noé referme la porte de l’arche (Gn 7,16)
Étend le bras sur la mer : montre la force agissante de Dieu par Moïse.
Fausser les roues : ou ôter. Dieu intervient directement pour entraver les chars de pharaons.
Fendre en deux : les eaux se séparent en deux pour passer à pied sec.
Frapper de panique : Dieu met le désordre dans le camp égyptien.
Fuir – le peuple hébreu – Pharaon et son armée : le peuple hébreu a pris la fuite, en sortant d’Égypte et pharaon et son armée fuient devant l’eau qui reflue.
Glorifier aux dépens de Pharaon : Dieu va manifester sa Gloire aux dépens de Pharaon et son armée en les anéantissant.
Lever le bâton : c’est le geste par lequel (également son bras levé) Moïse met à l’œuvre la force divine.
Librement : même terme que la main ou le bâton levé. Les hébreux avancent sans entrave de la part de Dieu, alors que le cœur de Pharaon est endurci par Dieu.
Main puissante : indique la forte intervention de Dieu.
Mettre sa foi – dans le Seigneur – en Moïse : l’intervention de Dieu suscite la foi des hébreux en Dieu mais aussi en Moïse.
Muraille – à droite et à gauche : seul emploi en Exode. Une image parlante de l’intervention efficace de Dieu.
Ne pas avoir peur : même terme que craindre Dieu. Le peuple est invité à se situer face à Dieu et non pas face à lui-même, dans la peur.
Nuée : C’est dans la nuée que Noé voit l’arc-en-ciel de l’Alliance (Gn 9,13…16). La nuée comme la colonne de feu manifestent de manière visible la présence de Dieu, soit comme une proximité bienfaisante, de grâce pour l’élu (colonne de feu), soit comme celui qui voile et cache sa face, sainteté inaccessible au pécheur (nuée ténébreuse). La nuée manifeste Dieu tout en le voilant, ce qu’illustre bien les nuages. Pour naître, Dieu couvre Marie de l’ombre (nuée) de l’Esprit-Saint (Lc 1,35). Jésus sera couvert d’une nuée lumineuse lors de la transfiguration (Mt 17,5)[2].
Pied sec – à : le sec dès la création (Gn 1,9) est le propre du bien, alors que l’eau, le mouillé symbolise le mal. Le peuple qui traverse à pied sec, représente la libération du mal (de l’esclavage)
Plus à notre service : les égyptiens prennent conscience qu’il va leur manquer des forces de travail : le peuple hébreu qui était à leur service, comme des esclaves.
Poursuivre : les égyptiens poursuivent le peuple hébreu jusqu’au milieu de la mer
Reconnaîtrons / saurons que je suis le Seigneur : l’intervention visible de Dieu est manifeste aussi pour les païens, les égyptiens.
Reste pas un seul : c’est l’anéantissement total de l’armée égyptienne. Dieu ne fait pas les choses à moitié.
S’obstiner : ou endurcir. Pharaon s’obstine contre le peuple hébreu à cause de son cœur endurcit. Dieu révèle le fond du cœur de Pharaon : Il endurcit son cœur.
Sauver : l’intervention de Dieu est pour le salut du peuple.
Six-cents chars d’élite : est un nombre considérable
Tenir bon : rester en place. Ne rien changer à cause de la peur, mais au contraire continuer dans la confiance en Dieu
Va faire pour vous – le Seigneur : Moïse annonce ce que le Seigneur va faire pour son peuple.
[1] http://www.astrosurf.com/luxorion/Illustrations/carte-moise-sinai-canaan.jpg
[2] VTB col 845-48. Nuée.
Questions :
1° Quels sont les éléments de l’intervention de Dieu dans cette sortie d’Égypte ? Pourquoi ?
2° Quels sont les buts de cette sortie d’Égypte selon le texte ?
3° Quels sont les éléments repris dans le mémorial de la sortie d’Égypte, le rituel de la Pâque ?
4° En quoi sont-ils fondateurs de la foi juive ?
5° Quels sont les fondements de ta foi ? de ta vie ? Les valeurs auxquelles tu tiens ? Pourquoi ?
6° De quel esclavage as-tu été libéré ?
Commentaire :
La traversée de la mer à pied sec est le symbole de la libération de l’esclavage. L’eau étant le symbole des forces du mal et le sec, le solide symbole de la marche de l’homme ajusté à Dieu.
Ce récit est un événement fondateur de la foi juive et du peuple élu. Il est raconté à plusieurs reprises et de manière différente, toute la Bible résonne de cet événement :
- dans le reste du pentateuque : Dt 11,3-4; Jos 24,6-7; Ne 9,9-12
- dans les psaumes : 77,17-21; 79,13-14.53; 106,9-11.22; 136,11-15
- en Esaïe : 43,16-17; 51,10; 63,11-13
- dans le livre de la Sagesse : 10,17-19
Dans notre texte à travers certaines incohérences on peut reconnaître deux récits différents[1] :
- Dieu agit par un vent d’est qui chasse l’eau de la mer et permet de passer. Récit d’allure guerrière où Dieu agit contre les égyptiens.
- Dieu dresse deux murailles d’eau en séparant la mer pour permettre le passage du peuple à pied sec. Récit d’allure liturgique où Dieu manifeste sa gloire[2].
Le récit ancien (14,5-7.10.13-14.19-20,.21b.24-25.27b.30-31) montre le peuple immobile sur le bord de la mer protégé toute la nuit par la nuée, qui assiste à l’enlisement des attelages égyptiens dans les marais ; Dieu intervient directement contre les égyptiens (14,11-14,25b). Le rôle de Moïse est avant tout de croire en Dieu et de proclamer au peuple effrayé que Dieu va les sauver (14,13-14). Son message commence comme les prophètes par « ne craignez pas » (14,13). Tel un prophète Moïse annonce le salut. Ce récit suppose donc l’expérience des prophètes du 8e-7e s. av. J.-C. Dieu agit à travers les éléments du créateur : la nuée (13,21.22 ; 14,19.24) qui cache, et le vent qui refoule la mer. La nuée protège et accompagne le peuple ; et se transforme en feu pour les éclairer (13,21 ; 14,20) la nuit. Dieu se présente aussi comme un ange (14,19). Son obstacle c’est la peur du peuple face aux égyptiens et au désert (14,10-14). Finalement le peuple passe de la peur à la foi (14,31) : Dieu s’est révélé comme un sauveur.
Le récit liturgique (v1-4,8-9,11-12,15-18,21a,22-23,26-27a,28-29) raconte la traversée de la mer, fendue en deux pour le peuple, qui engloutit ensuite les égyptiens. Le rôle de Moïse est d’enseigner la parole de Dieu et de l’exécuter fidèlement (14,4.21a,27a), il fait deux gestes sur la mer pour l’ouvrir et la refermer. Moïse est ici comparé à un prêtre israélite, tel ceux qui guident le peuple revenu de l’Exil en 538 av. J.-C. : Il accomplit les rites liturgiques prescrits afin que Dieu agisse pour le salut d’Israël. Dieu a sauvé son peuple en manifestant sa gloire de manière extraordinaire. Les eaux fendues et la traversée du peuple à pied sec rappelle le récit de la création (Gn 1). Le mot sec (14,16.22.29) est le même qui qualifie la terre (Gn 1,9.10) et la distingue de la mer dans le récit de la création. Dieu maîtrise les eaux pour que le peuple puisse vivre sur la terre sèche (cf Gn 6-9). Ainsi ce récit rapporte la création du peuple d’Israël libéré à la fois de l’Égypte et de la mer (du mal).
L’un et l’autre récit ont pour but de manifester la « gloire de Dieu » (14,4.17.18) même aux yeux des égyptiens : « les Égyptiens reconnaîtront que je suis le Seigneur » (14,4.18) et provoquer la foi : « le peuple met sa foi dans le Seigneur » (14,31), Dieu a libéré son peuple dès le début de son histoire, il est son sauveur[3].
Pour S. Paul cette traversée est une figure du baptême :
« Frères, je ne voudrais pas vous laisser ignorer que, lors de la sortie d’Égypte, nos pères étaient tous sous la protection de la nuée, et que tous ont passé à travers la mer. Tous, ils ont été unis à Moïse par un baptême dans la nuée et dans la mer ; » (1Co 10,1-2)
Les pères réinterprètent S. Paul : « Dans ces lignes de S. Paul, où est donc le rapport du type avec la vérité ? En ceci, que tous traversent l’eau, tous sont délivrés de la servitude – mais pas de la même ! Nos pères sont délivrés de l’esclavage d’Égypte, et nous de celui du diable : eux de la servitude sous des étrangers, nous de la servitude sous le péché. Tous sont rendus à la liberté – mais pas à la même ! Car la nôtre est beaucoup plus belle. Et si tout est plus beau et plus excellent chez nous, n’en sois pas étonné : car il appartient, par-dessus tout, à la vérité, qu’elle dépasse de loin le type, – mais qu’elle ne lui soit pas contraire, ou incompatible. »
Les pères comparent la nuée et la colonne de feu à Jésus-Christ : « Qu’est-ce donc que cette nuée, sinon notre guide et notre Voie, Jésus-Christ, Fils de Dieu ? Colonne de feu parce qu’il est vrai Dieu, colonne de nuée parce qu’il est vrai homme… Le soleil vint dans la nuée pour que nous puissions porter son éclat — Dieu, pour vivre avec les hommes, vint dans la chair. Ajoutons ce témoignage du prophète Isaïe : « Le Seigneur s’élève sur un nuage léger ».[4]
Le mystère de libération, commencé par Moïse à la sortie d’Égypte, sera complété dans le mystère pascal du Seigneur. L’Eucharistie se situe au centre de la Nouvelle Alliance entre Dieu et son peuple.[5]
Poème des quatre nuits
Au temps de Jésus, au soir de Pessah, nos pères dans la foi faisaient mémoire de quatre nuits : celle de la création – celle de l’épreuve d’Abraham offrant son fils Isaac – celle de la sortie d’Égypte – celle de la fin du monde. Quatre nuits où Dieu apparaît comme le veilleur de la nuit. Dans le cœur du disciple, au temps de Jésus, la lecture du livre de l’Exode au soir de la Pâque, résonne comme un poème : le poème que la tradition appelle « Poème des quatre nuits », comme quatre nuits de veille.
C’est une nuit de veille et prédestinée pour la libération au nom du SEIGNEUR, au moment où il fit sortir les enfants d’Israël, libérés, du pays d’Égypte.
Or, quatre nuits sont inscrites dans le Livre des Mémoires.
La première nuit,
Quand le SEIGNEUR se manifesta sur le monde pour le créer.
Le monde était confusion et chaos
et la ténèbres était répandue sur la surface de l’abîme.
Et la Parole de SEIGNEUR était la Lumière et brillait.
Et il l’appela Première nuit.
La deuxième nuit,
Quand le SEIGNEUR se manifesta à Abraham âgé de cent ans
et à Sara , sa femme, âgée de nonante ans,
pour accomplir ce que dit l’Écriture :
« Est-ce qu’Abraham âgé de cent ans, va engendrer
et Sara , sa femme, âgée de quatre-vingt-dix ans, enfanter ? »
Et Isaac avait trente-sept ans lorsqu’il fut offert sur l’autel.
Les cieux s’abaissèrent et descendirent
et Isaac en vit les perfections
et ses yeux s’obscurcirent à cause de leurs perfections.
Et il l’appela Seconde nuit.
La troisième nuit,
Quand le SEIGNEUR se manifesta aux Égyptiens, au milieu de la nuit :
sa main tuait les premiers-nés des Égyptiens
et sa droite protégeait les premiers-nés d’Israël,
pour que s’accomplît ce que dit l’Écriture :
« Mon fils premier-né, c’est Israël. »
Et il l’appela Troisième nuit.
La quatrième nuit,
Quand le monde arrivera à sa fin pour être libéré ;
les jougs de fer seront brisés
et les générations perverses seront anéanties
et Moïse montera du milieu du désert
et le Roi Messie viendra d’en haut.
L’un marchera à la tête du troupeau
et l’autre marchera à la tête du troupeau
et sa Parole marchera entre les deux
et eux et moi marcherons ensemble.
C’est la nuit de la Pâque pour le nom de SEIGNEUR
nuit réservée et fixée pour la libération de tout Israël
au long de leurs générations[6].
C’est la base de la veillée pascale telle que proposée par la liturgie catholique, depuis le concile Vatican II.
[1] Voir : http://www.bible-service.net/site/394.html
[2] Dans pour lire l’A.T. p 50-51, les 2 récits sont disposés différemment pour les repérer facilement.
[3] Lire l’A.T. p 52-53.
[4] Bible chrétienne I, p 228. : Rupert de Deutz : Op. cit. (PL 167,636)
[5] http://www.interbible.org/interBible/decouverte/groupes/2008/grb_081230.htm
[6] Targum Neofiti sur Ex.12,42 : https://catechese.catholique.fr/outils/conference-contribution/310494-poeme-quatre-nuits-pessah-paque/
Le passage de la mer Rouge.
La traversée de la mer à pied sec est le symbole de la libération de l’esclavage. L’eau étant le symbole des forces du mal et le sec, le solide symbole de la marche de l’homme ajusté à Dieu. Les eaux de la mer se sont refermées sur les Égyptiens, symbole de ceux qui refusent Dieu
Le passage de la mer Rouge est le plus célèbre des prodiges qui accompagnèrent la libération du peuple hébreu. Mais ce n’est pas encore la Terre promise. De longues et laborieuses étapes resteront à parcourir. Du moins l’esclavage ne sera-t-il qu’un souvenir. Le passage de la mer Rouge partage les temps, comme la mer sépare les pays. Avant, la servitude ; après, la liberté. Avant, l’esclavage ; après, la marche vers la Terre promise. Avant, le pays des idoles ; après, l’Alliance avec le vrai Dieu.
Le peuple sort des eaux comme une naissance, comme un baptême. Dieu a vaincu la mort et l’esclavage, joie déjà de la résurrection.
David : Ps 67,27 : Rassemblez-vous, bénissez Dieu ; aux sources d’Israël, il y a le Seigneur !
Ezéchiel : Ez 36,25 : Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai.
Isaïe : Es 12,3 : Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut.
Zacharie : Za 13,1 :Ce jour-là, il y aura une source qui jaillira pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem : elle les lavera de leur péché et de leur souillure.