B11. Les tentations / Interprétation
Les passages de Genèse 3,1-6 et de Matthieu 4,1-11 partagent un lien profond, car tous deux traitent de la tentation, du péché et de la lutte contre les forces du mal, mais dans des contextes différents et avec des significations théologiques particulières.
Lien théologique entre les deux passages :
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La tentation : Les deux passages présentent des tentations, mais avec des résultats différents. Dans Genèse, Adam et Ève succombent à la tentation, ce qui entraîne la chute de l’humanité. Dans Matthieu, Jésus résiste à la tentation, marquant ainsi sa victoire sur le mal et le péché.
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La désobéissance vs. l’obéissance : Dans Genèse, la désobéissance d’Adam et Ève introduit le péché dans le monde, tandis que dans Matthieu, l’obéissance parfaite de Jésus à Dieu rétablit la possibilité de la réconciliation avec Dieu. Jésus, en résistant à la tentation, agit en tant que nouveau Adam, accomplissant ce que le premier Adam n’a pas réussi à faire.
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Le serpent et le diable : Le serpent dans Genèse et le diable dans Matthieu sont des représentations du même principe maléfique, tentant les humains de se détourner de Dieu. Cependant, Jésus, en tant que Fils de Dieu, surmonte ces tentations, renversant ainsi le pouvoir du mal.
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Les Écritures comme arme contre le mal : Dans le passage de Matthieu, Jésus se sert des Écritures pour repousser les tentations. Cela contraste avec Adam et Ève, qui ne se sont pas appuyés sur la parole de Dieu pour résister à la tentation. Jésus montre ainsi que la parole de Dieu est une défense puissante contre le mal.
En résumé, le lien entre ces deux passages réside dans le contraste entre la défaite d’Adam et Ève et la victoire de Jésus sur la tentation, marquant ainsi le début du salut. Jésus, en tant que nouveau Adam, répare ce qui a été brisé par la première chute.
Les passages de Genèse 25,29-34 et de Matthieu 4,1-11 partagent un lien en ce qu’ils abordent tous deux des tentations liées à la nourriture, à la faim, et à l’obéissance ou à la désobéissance à Dieu, bien que dans des contextes très différents.
Le lien théologique entre les deux passages :
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La tentation de la faim et la recherche de satisfaction immédiate : Dans Genèse, Ésaü cède à sa faim en vendant son droit d’aînesse pour un repas immédiat, ce qui illustre une tendance à privilégier les besoins corporels immédiats au détriment de bénédictions spirituelles et durables. Dans Matthieu, Jésus fait face à une tentation similaire, mais il choisit de résister à la satisfaction immédiate de sa faim, soulignant que l’obéissance à Dieu et sa parole sont plus importantes que les besoins physiques temporaires.
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Le choix entre les désirs terrestres et l’obéissance à Dieu : Ésaü renonce à son droit d’aînesse pour satisfaire son désir immédiat, tandis que Jésus résiste à une tentation qui pourrait satisfaire ses besoins immédiats (faim), mais choisit plutôt d’obéir à Dieu. Jésus, en refusant de céder à la tentation, montre l’importance de prioriser la relation avec Dieu par-dessus les désirs terrestres.
En résumé, ces deux passages montrent comment la tentation liée à la faim et aux besoins immédiats peut mener à des choix importants. Tandis qu’Ésaü cède à la tentation et perd une bénédiction précieuse, Jésus résiste et choisit l’obéissance à Dieu, offrant un modèle de fidélité et de sagesse spirituelle.
L’enjeu des tentations est la reconnaissance de la véritable identité, nature, vocation de l’homme appelé à dépassé ses désirs (avoir – pouvoir – être) pour les ajuster au désir de Dieu révélé en Jésus-Christ.
De même que dans le Paradis Adam et Ève furent trompé par le serpent, qui les tente par leur gloutonnerie, de même le diable tente le Christ, en l’invitant à transformer des pierres en du pain pour démontrer qu’il est le Fils de Dieu.
De même que Ésaü vend pour un plat de lentille son droit d’aînesse, c’est-à-dire l’honneur qu’hérite le premier né, à cause de sa gloutonnerie; de même le diable perd la bénédiction de Dieu à cause de son orgueil, en il tentant Jésus et en l’invitant à transformer les pierres en pain.
Irénée de Lyon est pour nous le premier des Pères à lire le récit évangélique des tentations comme la réplique inversée de celui de la Genèse : à la défaite d’Adam, qui se laisse tenter, répond la victoire du Christ sur le diable. Ce combat victorieux du Verbe de Dieu fait homme sur l’ennemi du genre humain se situe au cœur de ce qu’Irénée appelle la » récapitulation », le Fils de Dieu par son incarnation étant venu saisir l’homme tout entier et » récapituler par son obéissance sur le bois, la désobéissance qui avait été perpétrée par le bois » ( » C. hérésies ». V, 19,1), de manière à restaurer en lui l’image de Dieu originelle. Les tentations du Christ au désert sont donc un événement majeur dans l’histoire du salut.
Irénée de Lyon, » Contre les hérésies » V, 21, 1 :
Récapitulant en lui-même toutes choses, il a récapitulé aussi la guerre que nous livrons à notre ennemi : il a provoqué et vaincu celui qui, au commencement, en Adam, avait fait de nous ses captifs, et il a foulé aux pieds sa tête, selon ces paroles de Dieu au serpent que l’on trouve rapportées dans la Genèse : Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; il observera ta tête et tu observeras son talon. Dès ce moment, en effet, celui qui devait naître d’une vierge à la ressemblance d’Adam était annoncé comme observant la tête du serpent. […] L’ennemi n’aurait pas été vaincu en toute justice, si celui qui le vainquit n’avait pas été un homme né d’une femme. C’est en effet par une femme qu’il avait dominé sur l’homme, s’étant posé, dès le commencement, en adversaire de l’homme. Et c’est pourquoi le Seigneur se reconnaissait lui-même pour Fils de l’homme, récapitulant en lui cet homme des origines à partir duquel le modelage de la femme avait été effectué : de la sorte, de même que par la défaite d’un homme notre race était descendue dans la mort, de même par la victoire d’un homme nous sommes remontés vers la vie ; et de même que la mort avait triomphé de nous par un homme, de même à notre tour nous avons triomphé de la mort par un homme.
Le thème sera repris, généralement sur un mode mineur, par l’ensemble de la tradition patristique, la plupart des Pères se contentant d’introduire une relation antithétique entre les tentations du Christ et celle d’Adam. Le parallèle le plus immédiat s’opère à partir de la première tentation, celle qui concerne la satisfaction des désirs du » ventre » : le Christ est vainqueur du diable par son jeûne, quand Adam était vaincu par son ventre et l’attrait du fruit défendu.