B12. La multiplication des pains / Bible Nouveau-Testament
6 récits différents :
Mt 14, 13-21 ; 15, 32-39 ; Mc 6, 30-44 ; 8, 1-9 ; Lc 9,10-17 ; Jn 6, 1-15
Mt 14, 13-21
14 En débarquant, il vit une grande foule de gens ; il fut saisi de compassion envers eux et guérit leurs malades.
15 Le soir venu, les disciples s’approchèrent et lui dirent : « L’endroit est désert et l’heure est déjà avancée. Renvoie donc la foule : qu’ils aillent dans les villages s’acheter de la nourriture ! »
16 Mais Jésus leur dit : « Ils n’ont pas besoin de s’en aller. Donnez-leur vous-mêmes à manger. »
17 Alors ils lui disent : « Nous n’avons là que cinq pains et deux poissons. »
18 Jésus dit : « Apportez-les moi. »
19 Puis, ordonnant à la foule de s’asseoir sur l’herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction ; il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule.
20 Ils mangèrent tous et ils furent rassasiés. On ramassa les morceaux qui restaient : cela faisait douze paniers pleins.
21 Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants.
22 Aussitôt Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules.
23 Quand il les eut renvoyées, il gravit la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul.
Mt 15, 32-39
32 Jésus appela ses disciples et leur dit : « Je suis saisi de compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. Je ne veux pas les renvoyer à jeun, ils pourraient défaillir en chemin. »
33 Les disciples lui disent : « Où trouverons-nous dans un désert assez de pain pour rassasier une telle foule ? »
34 Jésus leur demanda : « Combien de pains avez-vous ? » Ils dirent : « Sept, et quelques petits poissons. »
35 Alors il ordonna à la foule de s’asseoir par terre.
36 Il prit les sept pains et les poissons ; rendant grâce, il les rompit, et il les donnait aux disciples, et les disciples aux foules.
37 Tous mangèrent et furent rassasiés. On ramassa les morceaux qui restaient : cela faisait sept corbeilles pleines.
38 Or, ceux qui avaient mangé étaient quatre mille, sans compter les femmes et les enfants.
39 Après avoir renvoyé la foule, Jésus monta dans la barque et alla dans le territoire de Magadane.
Vocabulaire :
compassion : ému, avoir compassion apparaît 12 fois dans la Bible dont 5 fois en Matthieu. Il exprime la proximité de Jésus avec la foule et sa réalité.
rassasié : présent 15 fois dont 4 fois en Matthieu en particulier dans les Béatitudes : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés » (Mt5,6)
Cinq : 5 pains (Mt 14) symbolise la grâce, la bonté et la faveur de Dieu envers les humains. 5 est un manque.
Sept : 7 pains / 7 corbeilles (Mt 15) Il représente la plénitude, la perfection, la puissance, la totalité, la gloire. Il décrit la plupart du temps un évènement total et important.
Quatre mille / cinq mille : un chiffre de totalité, une très grande foule.
Questions :
Qu’est-ce qui provoque la multiplication des pains ?
A quoi renvoie cette multiplication des pains et poissons ? Pourquoi ?
Quelle est alors la signification de ce miracle / signe ?
Commentaire :
Les multiplications des pains (Mc 6 et 8; Mt 14 et 15). Ces deux récits sont propres à Mt et Mc. La répétition d’un tel récit, à quelques variantes près, est importante : le Christ qui accepte la nourriture des pécheurs est aussi celui qui leur donne à manger en organisant le repas messianique, un vrai festin avec beaucoup de restes (cf. Is 25,6-8). L’eucharistie est annoncée ici puisqu’une multitude peut déjà prendre part au repas que Jésus préside et sert lui-même (Mat 14,19).
C’est surtout l’évangile de St Jean qui développe la multiplication des pains par le discours sur le pain de vie : « je suis le pain de vie ». Voici l’organisation du chapitre 6 de St Jean :
A – 6,1-15 : La multiplication des pains ;
B – 6,16-21 : La traversée nocturne de la mer ;
C – 6,22-59 : Le discours sur le pain de vie dans la synagogue de Capharnaüm ;
B’ – 6,60-65 : Des disciples lâchent Jésus ;
A’ – 6,66-71 : La confession de Pierre et l’annonce de la trahison de Judas.
La multiplication à la fois par la construction du récit : rendant grâce, il les rompit, et il les donnait aux disciples, et le symbole (pain) renvoie au dernier repas de Jésus et donc à l’eucharistie.
5 pains et 2 poissons, c’est ce que recevaient chaque semaine les orphelins qui n’avaient personne pour s’occuper d’eux. 5 pains et 2 poissons, c’était ce que leur donnait la banque alimentaire pour vivre pendant une semaine !
Ces cinq mille personnes représentent la totalité des humains, que le Christ invitera à se nourrir de sa chair et de son sang. C’est pour cela que les premiers chrétiens ont pris comme symboles du Christ le pain et le poisson. Le pain, représentatif en nos pays de toute nourriture. Mais le pain est inerte, tandis que le poisson est au contraire signe de mobilité, de liberté. Notre récit est une récapitulation en images de l’ensemble de l’œuvre du Christ en notre faveur. La Croix peut nous sembler au premier abord échec et catastrophe. Nous apprenons ici que, don de la chair et du sang, elle est nourriture pour notre vie, la seule nourriture pour une vie que la mort ne peut effacer. Nourris par Dieu, nourris de Dieu lui-même, rien ne peut vraiment nous détruire. C’est un enfant (tel est le sens du mot grec utilisé en Jean) qui fournit la matière première du « signe » que Jésus va accomplir. Un enfant, figure du commencement, de l’inachevé, de la vie devant soi ; une vie dont personne ne soupçonne encore la plénitude et le caractère indestructible.
A l’arrière-fond de la multiplication des pains, il y a la manne dont le peuple en exode se nourrissait au désert. Or, il était interdit de stocker la manne. Des provisions auraient sans doute signifié que l’on se méfiait de la permanence de l’assistance de Dieu. Avec le Christ, tout cela est dépassé, car le pain qui sera donné est en fin de compte Dieu lui-même. Les douze paniers signifient que Dieu va au-delà de tout ce que nous pouvons attendre. La manne ne passait pas la nuit, le pain du Christ « subsiste jusque dans la vie éternelle » (6,27). Du solide, à côté de la fragilité non seulement de la manne, mais aussi des nourritures que nous produisons. Encore un mot qui change de sens pour s’appliquer à une réalité insaisissable, mais d’une nécessité absolue pour notre accès à l’existence accomplie, plénière. Le Christ se fait pain. Ne pensons pas tout de suite au rite eucharistique, mais à la Parole qui nourrit en nous une autre manière d’être, si nous la recevons dans la foi. Une Parole vivante et qui fait vivre. Par là, c’est nous aussi qui devenons rois : héritiers (et non pas sujets) du Royaume.