B12. La multiplication des pains /  Interprétation

De même que Dieu multiplie le peu de farine et d’huile de la veuve pour sa famille et Elie, ainsi Jésus multiplie le peu de pain et de poisson pour nourrir une immense foule, signe de la surabondance de l’amour de Dieu.

Comme Dieu rend la soupe mangeable et multiplie les pains par Élisée son prophète pour nourrir 100 hommes, ainsi Jésus multiplie les pains et les poissons pour nourrir 5000 hommes.

Les passages bibliques Matthieu 14, 13-21 et 2 Rois 4, 40-44 partagent un thème central : la multiplication des pains, qui est un acte de compassion divine pour nourrir un grand nombre de personnes dans un moment de pénurie. Cependant, ils se déroulent dans des contextes différents et présentent des nuances distinctes.

Le lien entre les deux passages

  1. La multiplication des pains : Les deux passages relatent un miracle où une petite quantité de nourriture est multipliée pour nourrir une foule. Ces miracles soulignent l’interdépendance entre la foi en Dieu et sa capacité à pourvoir aux besoins humains.

  2. La compassion divine : Dans les deux cas, l’acte de multiplication répond à une situation de besoin : dans Matthieu, Jésus nourrit une foule affamée, tandis qu’Élisée répond à un besoin similaire. La compassion divine se manifeste dans ces deux actes, montrant que Dieu prend soin de ses peuples.

  3. Le rôle de l’intermédiaire : Dans Matthieu 14, c’est Jésus, qui est le Fils de Dieu, qui accomplit le miracle. Dans 2 Rois 4, c’est Élisée, un prophète de Dieu, qui réalise cette action, soulignant que Dieu agit à travers ses serviteurs.

  4. L’abondance qui suit : Dans les deux récits, après que la foule ait mangé, il y a des restes, ce qui symbolise l’abondance et la générosité infinie de Dieu. La multiplication des pains dans les deux histoires ne résout pas seulement le besoin immédiat, mais montre également que la providence divine est plus grande que le besoin initial.

En somme, ces deux miracles témoignent de la capacité divine à subvenir aux besoins du peuple, qu’il s’agisse de Jésus dans le Nouveau Testament ou d’Élisée dans l’Ancien Testament. Ils préfigurent aussi, dans le cas de Matthieu, la « cène » où Jésus, à travers le pain, nourrira spirituellement les croyants.

     Seul miracle de Jésus rapporté par les quatre évangélistes, l’épisode de la multiplication des pains et des poissons est raconté six fois dans les évangiles (car Matthieu et Marc en connaissent deux versions chacun), ce qui confère à ce miracle une importance particulière. Bien sûr chacune des recensions de ce miracle comporte des nuances, des différences évocatrices, mais c’est globalement que nous abordons ce miracle en tenant compte de ce qui est commun aux six récits.

     Un des buts des évangélistes est de nous présenter Jésus comme réalisant les Écritures, récapitulant en sa personne l’Ancien Testament, dépassant en gloire ses plus brillantes figures. Or, le premier testament connaît des miracles alimentaires auxquels les récits évangéliques font certainement allusion. On pense au don de la manne au désert qui nourrit les Israélites durant leur longue marche vers la terre promise. On pense aussi aux miracles alimentaires d’Élie et d’Élisée qui, avant Jésus, multiplièrent huile, farine et pains (1 R 17, 7-16; 2 R 4, 1-7; 2 R 4, 42-44).

     Ici, le pain que Jésus donne est plus abondant que ne l’était la manne qui était mesurée pour chaque jour (Ex 16, 4.16), de plus, il y a des restes alors que la manne ne pouvait être conservée pour le lendemain (Ex 16, 19). Et la multiplication des pains opérée par Jésus est plus spectaculaire que celle d’Élisée : avec cinq (ou sept) pains Jésus nourrit plus de 5000 (ou 4000) convives avec douze (ou sept) paniers de restes ! Élisée dispose de vingt pains initialement pour un nombre indéterminé de convives et de restes. Le récit a certainement comme but de nous présenter Jésus comme le Messie des derniers temps – plus grand que Moïse ou Élisée – qui fait revivre au peuple les évènements merveilleux de l’Exode, signe de l’arrivée des temps messianiques selon les croyances juives de l’époque.

     Mais la pointe de ce récit est certainement d’annoncer l’eucharistie. Dans les gestes de Jésus, on reconnaît ceux de la dernière Cène – prendre le pain, rendre grâce, le rompre et le donner aux disciples – gestuelle familière aux destinataires des évangiles qui célèbrent déjà, depuis des décennies, l’eucharistie en mémoire de Lui. Puis le rôle joué par les disciples auprès de cette foule préfigure le « ministère » de l’Église à venir, dans ses fonctions organisationnelle (Il leur commanda d’installer tout le monde groupes sur l’herbe verte (Mc 6,39) et sacramentelle ; Il les donnait aux disciples pour qu’ils les offrent aux gens (Mc 6,41)) au service du nouveau peuple de Dieu.