44b. Disciples d’Emmaüs / Interprétation

C’est en chemin, en hâte que les juifs célèbrent la première Pâque (la pâte n’a pas levé), la nuit où Dieu passe pour les libérer de l’esclavage en Égypte et les faire traverser la mer Rouge à pied sec.

La multiplication des pains est déjà une annonce du dernier repas de Jésus, où le partage du pain devient le corps du Christ.
C’est à ce partage que les deux disciples reconnaissent Jésus, qu’ils ont accueilli chez eux, à leur table. De même Jésus rejoint les deux disciples sur leur route le soir de Pâques et se révèle à eux à travers le partage du pain.

Ainsi, le récit des disciples d’Emmaüs est intimement lié au symbolisme de la Pâque juive : il s’agit d’un chemin de libération, d’illumination et de communion, où le Christ ressuscité apparaît comme le nouvel Agneau pascal, accomplissant pleinement la promesse de salut. La résurrection devient une Pâque nouvelle, non seulement pour Israël, mais pour toute l’humanité.

Le récit des disciples d’Emmaüs (Luc 24,13-35) contient plusieurs liens symboliques et théologiques avec la Pâque juive. Voici les principaux points de rapprochement :

  1. La libération et la rédemption :
    • La Pâque juive célèbre la libération d’Israël de l’esclavage en Égypte et marque l’alliance entre Dieu et son peuple. Elle est le symbole de la rédemption par la puissance et la fidélité de Dieu.
    • Dans le récit d’Emmaüs, Jésus, qui vient de ressusciter à Pâques, incarne cette libération ultime : il a triomphé de la mort, offrant ainsi la rédemption pour l’humanité entière. Les disciples passent de la tristesse et du désespoir à la compréhension de la résurrection, une libération spirituelle analogue à la libération de l’esclavage.
  2. Le partage du pain :
    • Pendant la Pâque, le repas pascal est central : le pain sans levain et l’agneau sont des symboles du salut de Dieu. Lors de ce repas, les Juifs revivent l’histoire de l’Exode et de la délivrance divine.
    • À Emmaüs, Jésus se fait reconnaître par ses disciples lorsqu’il « prend le pain, dit la bénédiction, le rompt et le leur donne ». Ce geste rappelle la Cène, qui s’est tenue pendant la Pâque juive, et devient ici un moment eucharistique où la résurrection est rendue manifeste. Ce partage du pain à Emmaüs fait écho à l’idée de Pâque comme un repas de salut et de communion.
  3. La compréhension des Écritures :
    • Lors de la Pâque juive, les Écritures sont relues pour se rappeler l’Exode et comprendre l’œuvre de Dieu dans l’histoire. Le peuple médite sur la libération passée pour renforcer sa foi dans la fidélité de Dieu.
    • Jésus, sur la route d’Emmaüs, « interprète dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Luc 24,27), expliquant aux disciples comment la Passion et la résurrection étaient déjà annoncées dans les textes. De même que la Pâque donne sens à l’histoire d’Israël, l’explication de Jésus éclaire la foi des disciples en montrant que le Messie devait souffrir avant d’entrer dans sa gloire.
  4. L’ouverture des yeux et le passage de la mort à la vie :
    • La Pâque marque le passage de la mort à la vie pour les premiers-nés d’Israël (lors de la nuit où les portes sont marquées du sang de l’agneau) et pour tout le peuple, qui passe de l’esclavage à la liberté en traversant la mer Rouge.
    • À Emmaüs, les disciples passent des ténèbres du doute à la lumière de la foi lorsque leurs yeux s’ouvrent et qu’ils reconnaissent Jésus. Cette « reconnaissance » rappelle la Pâque comme un moment de révélation et de passage vers une vie nouvelle, symbolisé ici par la découverte de la résurrection.

 

Le récit des disciples d’Emmaüs dans Luc 24,13-35 trouve un écho particulier dans plusieurs textes de l’Ancien Testament, mais un passage central lié à cet épisode est Isaïe 53, le chapitre du Serviteur souffrant. Voici les liens principaux :

  1. Le thème du Messie souffrant :
    • Dans le récit des disciples d’Emmaüs, Jésus explique aux deux disciples comment les Écritures de l’Ancien Testament annonçaient que le Messie devait souffrir avant d’entrer dans sa gloire (Luc 24,26-27). Isaïe 53 décrit en détail un serviteur qui souffre, est rejeté, et porte les péchés de son peuple, une figure souvent interprétée dans le christianisme comme une annonce de la Passion du Christ.
  2. Révélation du Messie à travers les Écritures :
    • Jésus, sur le chemin d’Emmaüs, explique les Écritures pour montrer que les prophéties pointaient vers lui et vers sa mission de souffrance et de salut (Luc 24,27). Isaïe 53 et d’autres passages prophétiques (comme les psaumes de lamentation, par exemple le Psaume 22) révèlent le caractère souffrant du Messie, aidant ainsi les disciples à comprendre que la mort de Jésus faisait partie du plan divin.
  3. Reconnaissance du Messie à la fraction du pain :
    • À la fin du récit, les disciples reconnaissent Jésus à la fraction du pain (Luc 24,30-31). Ce geste rappelle non seulement la Cène, mais aussi la façon dont les prophètes et les rois de l’Ancien Testament faisaient signe de la présence de Dieu par des gestes symboliques. Isaïe 53, avec l’image du serviteur qui « donne sa vie en sacrifice », aide les disciples à saisir la portée du sacrifice de Jésus, reconnu comme le Messie à travers les signes accomplis.

Ainsi, Isaïe 53 et d’autres passages sur le serviteur souffrant (notamment les psaumes messianiques) sont en lien direct avec le récit d’Emmaüs. Ils éclairent le mystère de la souffrance du Messie et montrent comment l’Ancien Testament anticipait la Passion et la gloire de Jésus, une révélation centrale pour les disciples d’Emmaüs dans leur cheminement de foi.